juillet 04, 2018

Un défenseur de premier plan de la biodiversité africaine s’est fait refuser un visa canadien quelques jours avant un forum de l’ONU

Alors que le débat sur le forçage génétique bat son plein, des fonctionnaires de l’Immigration Canadienne rejettent une voix clé
MONTRÉAL, 4 juillet 2018— Les négociations de l’ONU sur la biodiversité sont en cours à Montréal, mais un expert africain manque à l’appel. Ali Tapsoba, président de Terre à vie au Burkina Faso, avait prévu de prendre la parole au nom de la société civile burkinabé lors de deux événements. En outre, la société burkinabé s’oppose à la mise en liberté de moustiques marqués par le forçage génétique au sein de leurs communautés, cette nouvelle biotechnologie étant controversée.
 
Le visa de Monsieur Tapsoba a été refusé sans explication par l’ambassade canadienne à Dakar vendredi dernier. 
 
«Tapsoba représente probablement une des voix les plus proéminentes au Burkina Faso contre le consortium Target Malaria, lequel mène la charge en faveur de la mise en liberté de moustiques marqués par le forçage génétique (gene drives) dans la nature» a affirmé Mariann Bassey de Les Amis de la terre Nigéria et de l’AFSA, l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique. 
 
«Je suis très déçu d’avoir été empêché à participer à cette importante conférence sur les biotechnologies au moment où l’Afrique est en proie aux multinationales qui veulent imposer les OGM qui détruiront la belle diversité biologique du continent,» a dit Tabsoba dans une déclaration écrite. «Les Africains n’ont t-il pas le droit de rencontrer les autres nationalités du monde au Canada pour discuter de l’avenir de l’humanité?» 
 
Le rejet du visa de Tapsoba arrive à un moment où les bailleurs de fonds dans le domaine de la biotechnologie dépensent des millions de dollars pour promouvoir le forçage génétique, une technologie puissante qui pourrait participer à l’extinction d’espèces, ou encore créer de nouvelles formes de contrôle corporatif de l'agriculture et de l'environnement.
 
Les demandes d'accès à l'information ont montré récemment que l'armée américaine aurait investi jusqu'à 100 millions de dollars dans la recherche et la promotion du forçage génétique. La poussée promotionnelle de cette biotechnologie a également été liée à des hauts fonctionnaires canadiens.[1] Lors des négociations de la Convention pour la diversité biologique (CDB), le Canada a menacé de faire échouer ces importantes négociations internationales sur ces méthodes génétiques en utilisant des questions procédurales comme tactique de blocage. 
 
"Il est alarmant de constater que les mêmes négociateurs canadiens qui se sont coordonnés avec le lobby biotechnologique menacent maintenant les autres délégués de gaspiller leur temps de négociation et d'empêcher d’établissement de véritables directives régulant le forçage génétique", a déclaré Jim Thomas, codirecteur exécutif du groupe ETC. 
 
Les développeurs de gènes à la CDB vantent la «participation» et la «transparence» lorsqu'ils font pression sur les gouvernements pour obtenir des réglementations laxistes sur le forçage génétique; ce qui sonne plutôt creux sachant que ceux qui sont directement affectés par cette pratique sont empêchés d'assister aux processus de prise de décision. 
 
«Nous espérons vivement que le gouvernement canadien respectera ses obligations et soutiendra les démarches visant à obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones et des communautés locales sur les questions de forçage génétique», a déclaré Geneviève Lalumière de l’Union Paysanne, membre de La Via Campesina. mouvement paysan international réunissant 200 millions de membres.
 
À propos du forçage génétique (Gene Drives)
 
Le forçage génétique est une nouvelle technologie puissante mais controversée, laquelle utilise une technique de correction du gène CRISPR-Cas9, dans le but de diffuser un trait génétique spécifique au sein d’une espèce ou d’une population entière et dans certains cas, dans le but de conduire des espèces à l'extinction. Des expériences de forçage génétique ont été menées sur des insectes, des rongeurs et des plantes. Si le trait génétique inséré n'aboutit qu'à une progéniture mâle, comme c'est le cas pour les rongeurs et les moustiques, une population sauvage complète ou même une espèce entière pourrait disparaître. Au meilleur de nos connaissances, cette technologie n’a jamais été utilisée dans un environnement quelconque dans le monde. 
 
«Les organismes affectés par cette technologie constituent des menaces uniques pour la nature et les moyens de subsistance», explique Silvia Ribeiro, directrice pour le groupe ETC en Amérique latine. «C'est la première fois que l'industrie biotechnologique a intentionnellement conçu des OGMs qui se propageraient agressivement dans l'environnement naturel et contamineraient les espèces sauvages.»
 
Sources
 
 
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